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Du charisme tribunitien à la médiocratie globale

D’élection en élection, force est de constater que les extrêmes caracolent loin devant : L’extrême droite, l’extrême centre libéral et l’extrême gauche. Leur point commun : Le charisme tribunitien pour l’extrême droite de Marine Le Pen et l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon et un charisme « nouvelle vague » pour l’extrême centre libéral d’Emmanuel Macron.

Certes en politique le projet est indispensable mais bien loin de suffire, encore lui faut-il une incarnation ! On s’est bien rendu compte que le projet du « Rassemblement National » et celui de  « La France Insoumise » étaient portés par deux personnalités très charismatiques aux capacités oratoires tribunitiennes qui font qu’ils captivent les foules. Quant à l’incarnation de l’extrême centre libéral de « La République En Marche » elle passe par une capacité marketing de haut niveau et une posture que l’on trouve chez ces nouveaux patrons de startup au sourire d’acier qui vendraient des glacières aux esquimaux.

Pour ces trois protagonistes, pas besoin de primaire ! Ils sont maîtres de leur destin, ils sont soutenus par tous leurs militants et sont les meilleurs narrateurs de leur récit pour la nation. Si leur doctrine est coconstruite, eux seuls sont à l’origine de la dynamique de leur organisation et de leur ascension.

Mais en fait, qui des électeurs de Mélenchon, Macron et Le Pen a réellement lu leur programme ? Quelques-uns sans doute, mais très peu au regard des millions de gens qui ont voté pour eux.

C’est la démonstration que le fond est occulté par la forme basée sur l’oralité et l’image. L’incarnation, le charisme, la posture, le phrasé, la simplicité du verbe ont pris toute la place.

C’est la technique de l’iceberg, on met à la lumière et au soleil la petite partie émergée, que l’on décline avec moults effets de manche, le principal étant de fasciner les masses. Chez Mélenchon tout est bon, même la mise en œuvre du don d’ubiquité par hologramme interposé.

Même les débats ont perdu leur fond, seul compte le show, les petites phrases et même de plus en plus des affirmations fausses pourvu qu’elles fassent mouche. Aujourd’hui, au lendemain des débats, les journalistes sont obligés de contrôler, puis d’informer le citoyen sur ce qui a été dit de vrai ou de faux. Mais le mal est fait et le but est atteint.

5 générations pour construire, 1 pour démolir !

Alors que les extrêmes s’affirment dans le paysage politique français, de manière concomitante les grands partis de l’histoire de la 5eme république dits de « gouvernement » s’effondrent avec des scores historiques en dessous des 5%. Mais que se passe t-il donc ?

Les causes sont diverses et multiples, les décliner toutes ferait plus l’objet d’une thèse que d’une tribune.

À mon sens une des causes principales s’apparente au déclin des grandes familles aux héritiers trop nombreux et souvent consanguins. Après avoir dilapidé le capital laissé par leurs illustres aïeuls  et vendu les derniers bijoux de famille, ils se battent entre eux pour occuper la dernière pièce qui ne prend pas encore l’eau.

Si ce constat concerne tous les partis qui vont de la droite républicaine à la gauche socialo-communo-verte, Le Parti Socialiste est la caricature de cette déliquescence.

Il aura fallu 46 ans aux Socialistes pour porter François Mitterrand au pouvoir et  seulement moins de 10 ans à la génération Hamon, Montebourg, Faure et Hidalgo pour liquider le capital Mitterrandien et terminer pitoyablement à 1,7% des suffrages à ces dernières élections présidentielles.

Dans cette histoire du socialisme, je rectifie ce que je viens de dire plus haut, ce ne sont pas les Socialistes qui ont porté François Mitterrand au pouvoir, mais plutôt François Mitterrand qui a porté les Socialistes au pouvoir.

Là aussi, on remarque bien que c’est le charisme de cette grande personnalité de par ses facultés oratoires, ses discours historiques à la construction parfaite, son placement physique terrien à l’allure de grand chêne qui porta la doctrine d’Epinay de manière populaire et compréhensible par tout le peuple.

Son héritage perdura avec ses disciples forgés par son exemple, même s’il y eut des hauts et des bas Mauroy, Defferre, Mermaz, Mexandeau, Badinter, Joxe, Jospin, Fabius, Dray, Aubry, Royal, Hollande et en son temps même Mélenchon… Chacun de ceux-là avait encore le sens du combat social, ils ont vécu une grande partie de la longue traversée du désert de la gauche, ils avaient à leur manière une personnalité qui ne laissait pas indifférent.

Encore à cette époque, le temps avait une valeur et savoir compter avec lui était la preuve de la solidité et de la volonté des individus.

2012 fut certainement la date fatidique du début de la chute du Parti Socialiste, quand François Hollande, le dernier des grands « premiers secrétaires » s’est retrouvé à l’Elysée. S’est enchaîné par la suite une valse de cadres tous issues des mêmes parcours comme le syndicalisme étudiant, les études à Sciences po ou l’ENA pour les plus doués.

Une forme d’uniformité de la pensé est née, la théorie a pris le pas sur le réel, un esprit de corps s’est forgé amenant de fait une sorte de consanguinité. Cette nouvelle « élite » politique, écrêtée dans un ensemble moyen a pris le pouvoir. La médiocratie est devenue la norme du monde politique. Dans son livre « La Médiocratie » l’universitaire Alain Deneault a parfaitement décrit ce phénomène qui d’ailleurs ne touche pas que le monde politique. Mais la médiocratie n’est pas une insulte, son étymologie ancienne vient de « moyen ». Ni bon, ni mauvais !

Dès lors, beaucoup se sont vu une destinée nationale et se sont très vite cassé les dents.

Le travail de fond, jusque-là de rigueur, a fait place à des programmes hors sol, des sortes de listes à la Prévert, sans vie, sans vision. Plus de récit, plus d’imagination, plus de prospective pour une société moderne s’appuyant sur les fondamentaux qui ont fait la différence historique entre la droite et la gauche.

Seuls les égos survivent et deviennent l’unique valeur visible dans ce mauvais film. Avoir un égo n’est pas un péché en politique, mais encore faut-il qu’il soit porté par des personnalités à la hauteur de l’égo qui les habitent.

La médiocratie a la particularité de ne jamais se remettre en question, Elle contourne l’obstacle, elle refuse en interne le débat contradictoire, le dernier exemple fut le refus de la direction du PS d’organiser un face à face Le Foll – Hidalgo.  Elle se complaît dans un déni permanent, elle n’a honte de rien, elle a comme seul horizon sa survie quitte à renier ses fondamentaux, elle a une propension à toujours retomber sur ses pieds en expliquant que les échecs successifs qu’elle collectionne sont la faute des autres et du passé.

L’équipe actuelle à la tête du PS en est une démonstration d’école… Non bien sûr, pour elle ce n’est pas la faute de la politique répétée de l’effacement mise en place par Olivier Faure et qui se termine par un effacement définitif dans un accord « coup de grâce »  avec la France Insoumise.

Non, non et non, c’est la faute au quinquennat de François Hollande bien sûr, cause de toutes ces misères électorales.

Pourtant plus le quinquennat Hollande s’éloigne et plus les scores baissent, on nous dira bientôt que c’est le Président Hollande qui a cassé le vase de Soissons en 486 et que c’est à cause de lui que la cavalerie française a était battue à Azincourt en 1415.

Mais la médiocratie a la particularité physique de se dissoudre dans des masses diverses, pour elle le principal est que ses membres gardent leur miette support.

Déjà, elle a accouché des prétendants qui se préparent à se jeter sur le cadavre du PS effacé, il reste peut-être encore quelques morceaux à racler…

Ce parti est tellement rejeté et inaudible, que l’avenir des Socialistes, Démocrates et Républicains ne se trouve certainement pas dans un simple « retoilettage ».

Le socialisme c’est une vision, une pensée, une histoire…  Et quand le parti ne représente plus cette histoire et que ses responsables ne sont plus capables d’écrire le chapitre suivant, étouffés par leur égo, il faut prendre des mesures courageuses pour mettre en œuvre une refondation efficace. La SFIO a fait son temps, le Parti Socialiste est en train de finir le sien.

Parti, mouvement, fédération… ne sont que des contenants.

L’important, c’est le contenu et le contenu c’est sa doctrine ! Sa compréhension passe par son récit ! Son vecteur, c’est son incarnation ! Son programme est son arme ! Sa réussite, le pouvoir pour application.

Mais cette mécanique ne trouvera son carburant que dans une incarnation apte par son charisme à orchestrer le mouvement.

La refondation prend du temps. L’expérience doit y jouer un rôle déterminant. Chez les socialistes les jeunes pousses existent, elles sont asphyxiées par les broussailles de l’effacement. Les anciens qui n’ont plus rien à prouver et qui n’aspirent plus aux mandats doivent préparer le terrain et y répandre le terreau.

L’ultime chance du PS de ne pas disparaître totalement, passe par un éclair de sagesse de sa direction pour l’amener à passer la main. J’ai peu d’espoir que cet éclair surgisse. Alors la refondation se fera ailleurs.

Il faut que rapidement une voix se lève. La France des lumières est juste endormie.

Je suis optimiste, dès la lueur retrouvée, les bateaux perdus retrouveront la route du phare, et ceux qui sont restés au port retrouveront l’envie de prendre la mer.

Ne soyez pas inquiets, notre médiocratie sortira de ses nombreux refuges et viendra au secours de la victoire. Il en est ainsi de sa longue marche perpétuelle.

Comme disait le grand Jaurès « Aller vers l’idéal en tenant compte du réel ». La radicalité n’a jamais été un voie.

Philippe Dorthe

« La principale compétence d’un médiocre ? Reconnaitre un autre médiocre. Ensemble, ils organiseront des grattages de dos et des renvois d’ascenseur pour rendre puissant un clan qui va s’agrandissant, puisqu’ils auront tôt fait d’y attirer leurs semblables. » (« La Médiocratie » Alain Deneault – Editions Lux)