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Je suis en colère…

La typicité de Bacalan, c’est son histoire, l’histoire du port, l’histoire de ses activités fortement tournées vers l’industrie maritime d’antan, c’est aussi à l’évidence sa population d’origine qui a su développer une identité forte. La spécificité de Bacalan, c’est son tissu associatif très vivant, très ancien, c’est en bref un savoir-vivre dans un quartier qui garde son âme.

C’est pourquoi, Bacalan est régulièrement  » étudié  » à travers des ouvrages, est mis en scène dans des romans, des BD…tout ce qui n’est pas aseptisé, et c’est le cas de ce quartier, est intéressant et plaît dans un monde trop uniformisé. Fini le temps où l’on n’osait pas se risquer jusqu’au  » quartier nord « . Aujourd’hui, la moindre manifestation festive attire.  » Bacalan, c’est tellement authentique !  » Authentiques, les friches industrielles, témoins de ce passé laborieux, authentiques les bassins à flot, les petites échoppes disparates, les  » personnages bacalanais « , un peu grandes gueules, qu’on verrait très bien tout droit sorti d’un film de Marcel Carné. Un remake de Quai des brumes, lorsque l’on entend encore quelquefois les cornes de brume sur la  » rivière « . L’imagerie est séduisante pour les visiteurs qui, le temps d’un week-end, d’un événement, d’une sortie en vélo…, sillonnent ce quartier si attachant.

Oui, mais voilà, Bacalan n’est pas un film, ni un bouquin. Des gens y habitent, de vrais gens, anciens ou nouvellement installés. Et que voient-ils, ces gens, ces bacalanais. Ils voient un quartier en déshérence totale. J’ai oublié de dire que Bacalan est un quartier de Bordeaux. A moins que ça ne soit Bordeaux qui ait oublié que Bacalan est l’un de ses quartiers.

Mauvais esprit ! Non pas.

Ici, tout vient lentement. Par exemple, le tramway. Bacalan est le dernier quartier bordelais desservi. Le bout du bout de la deuxième phase. Un finisterre. Soit ! Il faut un dernier. Mais, c’est un dernier au rabais. Alors que partout ailleurs, le tram est, selon le terme des spécialistes,  » cadencé  » toutes les 4 minutes, entre les arrêts Bassins à flot et Claveau, on patiente au minimum 15 minutes avant de voir une rame arriver. La raison : n’atteint Bacalan qu’une rame sur trois. Pourquoi ? Allez savoir !

Autre exemple. Alors que chaque quartier de Bordeaux bénéficie, depuis déjà longtemps, du tri des déchets ménagers avec les trois poubelles dédiées, et bien, à Bacalan, on ne trie pas, monsieur, on jette.

Pour ce qui concerne les équipements publics, mieux vaut ne pas être pressé non plus. La salle Point du jour-Pierre Tachou a été espérée 60 ans.

Finalement, est-ce que Bacalan, c’est Bordeaux ?

J’ai tendance à répondre que non, et cependant je connais bien la géographie de la ville pour avoir circulé (en 53 ans) dans beaucoup d’autres quartiers ? Voici quelques observations.

La voirie est dans un état lamentable : chaussées déformées, ornières, trottoirs disparates avec des différences de niveau, des segments goudronnés et d’autres non…une végétation luxuriante qui pousse partout. Pas de travaux significatifs, aucun entretien depuis…des années.

La propreté est inexistante : dépôts sauvages réguliers au coin des rues.

Le bâti donne un sentiment d’abandon : les friches ressemblent à des friches, c’est logique, mais beaucoup d’habitations sont dans un état proche de l’effondrement. Une façon pour les promoteurs d’insérer des programmes immobiliers à forte rentabilité mais à faible intérêt architectural. Le  » génie du lieu  » n’empêche pas de concevoir des projets modernes, adaptés et inscrits dans l’environnement urbain pour répondre aux besoins en logements. Or là, on s’interroge à juste titre sur l’urbanisme futur du quartier.

Les commerces sont rares : les travaux d’implantation du tramway qui ont traîné en longueur, ont abouti au départ de nombreux commerces de proximité. Il n’est qu’à marcher le long de la rue Achard, triste à pleurer, pour compter le nombre incroyable de pas de porte désaffectés.

Plus de boucher-charcutier, ni de poissonnier, la liste est bien longue et bien entendu plus de lien social qu’assurait le commerce de proximité comme on en remarque partout ailleurs dans la ville. Casse-tête pour faire ses courses !

Un mot sur l’esthétique du quartier : aucun embellissement, aucun fleurissement, aucune gaîté…

Alors qu’il y a vingt ans un autre mur tombait, ici on va en construire un autre, histoire de bien ghettoïser le quartier. De quoi s’agit-il ? Du futur pont Bacalan-Bastide qui va construire une fracture supplémentaire entre la ville et Bacalan. On entend cependant les discours des décideurs ici ou ailleurs : mixité, couture urbaine, créer des morceaux de ville…A Bacalan, on fait l’inverse. Pourquoi tant de haine ?