Du 08 au 14 août 2022, vous êtes invités à venir visiter notre exposition de photographies à Carennac dans le Lot (2h30 de Bordeaux, c’est à 37 km de Brive, 6 km du gouffre de Padirac et 20 km de Rocamadour). Mon ami Jean-Pierre Caussil présentera des photographies ethnographiques sur le Marché aux Prunes de Carennac. De mon côté une sorte de festival des barques et gabareaux de Carennac, qui font partie de notre patrimoine paysager. De plus, notre « faiseur » de Gabareaux Roland PLAGNE, sera mis à l’honneur. Jean-François DUPORTIC présentera des photos sur l’ancien Four à chaux de Carennac et Francine MAZARS, des photos anciennes sur la vie du et au pont de Carennac.
BARQUES ET GABAREAUX DE CARENNAC :
Une exposition de photographies limitée aux seuls barques et gabareaux de la Dordogne à Carennac pourrait être prise comme une expression obsessionnelle.
Rassurons-nous il n’en est rien !
Simplement ces petits bateaux effilés, souvent pointus des deux bouts font partie intégrante du patrimoine paysager de notre village.
Depuis de nombreuses décennies les peintres les ont représentés et les photographes depuis les débuts de la photographie les ont figés sur de nombreuses cartes postales.
En fait « l’embarcation » depuis sa plus simple expression ; un tronc évidé à l’aide d’outils de pierre, la « pirogue monoxyde » et certainement le premier engin manufacturé par l’Homme pour assurer sa mobilité en utilisant l’élément liquide comme site propre de déplacement, qu’il fut rivière, fleuve, lac ou mer.
Le bateau est l’invention qui, depuis le paléolithique, a certainement aidé le plus à « faire société », c’est-à-dire commercer, faire circuler l’information et assurer le brassage des peuples des rives.
Le bateau a toujours été un objet mystérieux. Il brave un élément hostile, il donne l’impression à ceux qui l’utilisent d’être « ailleurs », il offre un écrin de protection et la mythologie en a fait le dernier véhicule utilisé par l’esprit des défunts pour atteindre l’autre rive de « l’Archéon » ou du « Styx » là où se trouve le royaume des morts. Et le passeur « Charon » moyennant une obole permettait au défunt de monter dans sa barque pour lui assurer le dernier voyage.
Ici à Carennac, nos petites barques sont symbole de vie. Elles servent à pêcher, à se promener avec des amis ou à conter fleurette aux belles lavandières.
Elles retrouvent parfois le chemin de la mythologie, quand elles nous portent en traversant le bras de Dordogne sur la rive de l’île Calypso, dont le nom invite au rêve. Fénelon, Prieur de Carennac a dû souvent penser à son « Télémaque » en regardant cette île mystérieuse qui fait face au village. Elle ne pouvait porter un autre nom.
Au gré des saisons et de la lumière du matin ou du soir, elles ne sont jamais pareilles les barques de Carennac. Parfois bleutées par un ciel pur d’azur, ou pâles dans l’hiver, perdues dans un filet de brume, puis comme un feu d’artifice rehaussées par le reflet doré des trembles de Calypso, qui par magie offre au visiteur, devenu spectateur, un tableau impressionniste naturel, si bien reproduit par Claude Monet sur sa toile « Matin sur la Seine, le beau temps ».
Ces barques de Carennac sont certainement les dernières de cette facture.
Longtemps dans cette partie de la vallée de la Dordogne elles furent fabriquées par des sachants comme Georges Prunet aujourd’hui disparu et Roland Plagne un homme de 93 ans qui est notre dernier constructeur de gabareaux dans les règles de l’art. Il a livré son dernier bateau en août 2021.
Il détient un savoir-faire ancestral transmis par son père, son Grand-père et tous ses aïeux.
Cette modeste exposition des barques de Carennac lui est dédiée.
LE MARCHE AUX PRUNES :
Des décennies durant Carennac fut le royaume de la Reine Claude dorée « de Carennac ».
Un marché se tenait alors sur la place de la Palissade, tous les ans fin juillet début août, alors 30 à 40 tonnes de la délicieuse prune changeaient de mains chaque jour. Ces prunes venaient essentiellement des coteaux de Carennac comme le Pouget par exemple … puis ces vergers furent laissés de côté voire abandonnés faute de rentabilité ou de main d’œuvre ou victimes d’une autre politique commerciale.
La Reine Claude de Carennac que l’on trouve dans le commerce actuellement provient des côteaux de Saint Médard de Presque.
La Reine Claude de Carennac ne nécessite pas de greffe, elle se reproduit soit en drageonnant soit à partir d’un noyau.
Ce marché était une attraction , tant pour les jeunes qui assis sur le mur surveillaient les opérations que pour les anciens qui eux refaisaient le monde ou évoquaient des souvenirs de leur jeunesse lors qu’ils risquaient leur vie dans les tranchées de Verdun ou du Chemin des Dames.
Le marché a quitté la place de la Palissade à la fin des années 70 pour aller se tenir au dessus le l’Hôtel Boudie et très rapidement mourir. Les images ici présentes datent de 1974-75.
Roland PLAGNE, le faiseur de barques.
Tout au nord du département du Lot, à quelques kilomètres de la Corrèze, au bord de la rivière Dordogne, il y a 92 ans naissait Roland PLAGNE.
Le petit Rolland vient au monde au sein d’une vieille famille lotoise. Un père forestier, un grand-père menuisier… Depuis des générations les Plagne étaient liés à la terre, à l’eau et au bois.
Le petit garçon était loin de se douter qu’à l’automne de sa vie, il serait détenteur d’un grand secret légué par son père, son grand-père et son arrière-grand-père… Le secret de la fabrication des barques de Dordogne.
Ces petites barques ancestrales, à fond plat, pointues des deux bouts étaient en fait, une sorte de modèle réduit des grandes gabarres, construites en Haute Corrèze à la limite du Cantal. Ces grands bateaux descendaient la Dordogne jusqu’à Libourne en Gironde pour acheminer le bois nécessaire à la fabrication des barriques en chêne, des piquets en acacia et des barrières en châtaigniers.
Ces embarcations n’avaient comme durée de vie qu’une seule descente. Le fret livré le bateau était vendu comme bois de chauffage. Les gabarriers revenaient dans leur village en diligence et recommençaient l’opération.
Nos petites barques de Dordogne, appelées aussi gabareaux, servaient dans un premier temps d’embarcation accompagnant les convois de bois flotté.
Très vite ces gabareaux devinrent des barques de pêche pour lancer l’épervier, poser des nasses et plus simplement pêcher à la ligne.
Tout le long de la rivière, quotidiennement utilisées, ces barques étaient fabriquées par quelques sachants, formés de père en fils. Ils connaissaient les essences d’arbres qui vont bien, comme le mélèze, le vergne (aulne), l’acacia…
Aujourd’hui le plastique a remplacé l’aulne et le savoir faire a petit à petit disparu.
Sauf, qu’au nord du Lot, au bord de la Dordogne, dans le petit village de Bétaille, un monsieur très âgé au visage buriné, éclairé d’yeux bleus perçants, continue malgré ses 92 ans à construire des gabareaux.
Ses grandes mains noueuses détiennent les gestes ancestraux.
Son garage est rempli de boîtes mystérieuses et d’outils curieux. Des planches bien rangées attendent la façon.
Sa belle tête burinée penchée sur l’ouvrage qui prend forme, réfléchit au geste. Puis doucement l’homme se redresse et dans un sourire lance un : « Miladiou, j’y mets le temps maintenant ! ».
C’est Roland Plagne, le dernier « faiseur » de barques de la vallée.