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Réflexion sur l’avenir de la Social-démocratie

Ils ont tué Jaurès une deuxième fois, ressuscitons le !

 

C’est bien post mortem la revanche de Jules Guesde que nous vivons depuis de nombreux mois de soumissions à Mélenchon. Il y a tellement de similitudes avec l’idéologie LFIste et les « non-dits » assourdissants de la Présidente du groupe LFI à l’Assemblée Nationale, le « la Police tue » de Mélenchon et « c’est une affaire de militaire bourgeois » lancé par Guesde en parlant de Dreyfus.

La radicalité de gauche comme de droite est bien souvent une déclinaison doctrinaire s’appuyant sur un récit simpliste, qui joue insidieusement sur le fil du rasoir entre populaire et populiste. Ce parti-pris a créé une porosité que nous retrouvons entre une partie de l’électorat de LFI et du RN. Ce montage sémantique, quasiment scientifique, a été construit pour s’adresser au cerveau reptilien sociétal.

Un petit dessin valant mieux qu’un grand discours, le côté lapidaire a toujours été très efficace « prenons aux riches pour donner aux pauvres » pour les uns et « la France aux Français pour donner un logement et du travail » pour les autres.

Ces politiciens et politiciennes ont, en autres, un point commun qui mérite d’être reconnu ; pendant des années et des années ils ont travaillé, bossé leur discours et fait preuve d’opiniâtreté.

Pendant tout ce temps et chacun dans son camp, les héritiers socialistes, verts et républicains se sont endormis sur les tableaux Excel obsédés par le partage des circonscriptions et autres territoires. Petit à petit ces partis se sont éloignés des rives populaires et des citoyens insécurisés, pour finir aujourd’hui comme autant de radeaux de la Méduse qu’il y a de partis, voire même de personnalités.

Oui, nous les socialistes, sociaux-démocrates français, n’avons plus travaillé notre doctrine issue des lumières et des socialistes utopistes du 19e siècle, doctrine toujours actualisée au 20e siècle par Jaurès, Blum, Mendes et Mitterrand.

Sociaux-démocrates français n’est pas un gros mot, Jean Jaurès avait en une seule phrase exprimé le fil rouge de la social-démocratie : « Aller vers l’idéal en tenant compte du réel ».

Mais notre paresse nous a tués. Les responsables du PS en sont aujourd’hui rendus à se soumettre aux insoumis et à mimer les tribuns trotsko-guedistes.

La social-démocratie française et sa vision universaliste rentrent difficilement dans quelques phrases chocs. Elle ne peut être entendue que par le cerveau de l’acquis sociétal. La démocratie sociale doit sans cesse se renouveler, elle doit constamment demander l’effort intellectuel de ne pas glisser dans le simplisme. Elle doit toujours prôner la tolérance sans tomber dans la résignation et faire du bien-être de son peuple une action permanente.

Ces années de vide sidéral au niveau des réflexions que nous aurions dû avoir nous place au pied du mur d’un chantier colossal, alourdi par une double contrainte.

LA DOUBLE CONTRAINTE.

Une première contrainte est imposée par un calendrier électoral très serré qui enchaîne les élections. Ce tir en rafale de rendez-vous électoraux doit impérativement nous faire travailler sur une nouvelle vision de la démocratie républicaine du 21e siècle, sur une Europe nouvelle, avec un projet qui sur certains sujets montre les différences avec nos amis sociaux-démocrates Anglo-saxons.

Dans cette première contrainte il faut rajouter les enjeux majeurs et immédiats auxquels la société française va devoir faire face dans les mois qui viennent : Les ressources énergétiques et alimentaires, qui correspondent aux besoins premiers des insécurisés, les impacts climatiques déjà présents (feux, grêle, canicule, sècheresse, eau) et l’inflation accompagnée d’une dette abyssale. Même si nous ne sommes pas au pouvoir, notre famille politique doit pouvoir apporter un maximum de réponses sur ces sujets.

LA DOCTRINE, LE RÉCIT, L’INCARNATION ET LE PROGRAMME.

La deuxième contrainte et certainement la plus difficile réside dans l’impérieuse nécessité de retravailler la doctrine socialiste en la faisant correspondre aux réalités du 21e siècle, tout en tenant compte de l’énorme mutation de la société.  Cette démarche nous oblige à la prospective et à la réhabilitation du temps long.

LA DOCTRINE.

Cette doctrine révisée doit donner des pistes nouvelles sur des sujets, qui pour les uns et les autres sont déjà considérablement déclinés.

Avec notre différence il est impératif de répondre à des questions où nous serons attendus sur notre inventivité. 

Un social-démocrate français du 21e siècle doit pouvoir répondre sur sa vision de la laïcité, de la valeur travail, de l’écologie, de l’éducation, de la santé dans tous ses états, de la sécurité sociale, de la défense, de la sécurité, de la réindustrialisation, des transports, de l’aménagement du territoire, du logement, de l’énergie, de la difficile mais nécessaire dose de souveraineté du pays dans une Europe soudée, de la vie associative et de l’éducation populaire, de la culture, de la retraite, du vieillissement, etc. cette liste n’étant pas exhaustive…

À mon sens, la voie d’une nouvelle DÉCENTRALISTION devra être le socle de notre projet pour répondre en grande partie à ces nombreuses questions.

LE RECIT.     

Ce corpus doctrinaire doit être compris. Cela passera par une sémantique simple, qui comme un tableau pointilliste doit amener le citoyen à visualiser dans sa tête la société juste, où chacun trouvera la considération. C’est un récit qui devra intégrer un espace de rêve possible dans un réel compliqué que la social-démocratie française retrouvera la confiance du peuple de France. La gauche radicale et les extrémistes de droite l’ont bien compris et l’ont surtout bien écrit.

L’INCARNATION.

Ce processus ne trouvera un écho que s’il est incarné. On l’a vu chez les deux mouvements principaux de la politique française, tous sont incarnés, la gauche radicale par Mélenchon et l’extrémisme de droite par Le Pen. Deux personnalités peu contestées dans leur camp pour porter la voix du récit.

Chez nous sociaux-démocrates français qui ?

Nous avons la chance d’avoir des personnalités de premier rang. Certains se voient dans ce rôle ! Il faudra bien un travail et une introspection de chacun,  pour que l’honnêteté sur soi-même l’emporte sur l’égo et enfin ensemble s’entendre sur la bonne personne.

 

LE PROGRAMME

Le programme sera la déclinaison concrète de la doctrine et de son récit, pour proposer aux françaises et aux français des projets clairs et ordonnés dans le temps. Malheureusement le programme est certainement l’élément le moins porteur dans une élection. C’est le récit et l’incarnation qui priment. Depuis quelques années les socialistes ont sorti des programmes au kilomètre, sorte de catalogue totalement inaudible par le citoyen.

C’est là que la première contrainte va nous rattraper, car travailler une doctrine et un récit ça prend du temps. Malgré le très bon score de Raphaël GLUCKSMANN L’Europe et la France ne progresseront  sans notre socle abouti. C’est un défi immense.

ET LE PARTI SOCIALISTE ?    

Enfin, rien ne sera possible si nous ne clarifions pas notre position par rapport au Parti Socialiste dont beaucoup chez nous sont toujours adhérents.

Je sais que cette question est complexe car elle est de l’ordre de l’affect plus que de la stratégie.

Nous savons tous que depuis le congrès d’Aubervilliers, progressivement le Parti Socialiste est devenu la « chose » d’un petit cartel de socialistes « casse-croûtes » mu par la survie de quelques-uns dont nous sommes devenus le sparadrap du Capitaine Haddock.

La tâche qui est devant nous est si grande, qu’il faut vraiment se poser la question et si l’énergie consacrée à un autre congrès dont on connaît peu ou prou les résultats n’est pas contre-productif.

De plus les Françaises et les Français sont totalement déconnectés du fonctionnement interne d’un parti décrédibilisé. Ne faisons pas l’erreur que nous dénonçons chez les autres : ne soyons pas hors sol. Le PS n’intéresse plus aujourd’hui que les quelques militants qui lui reste et une petite bulle d’initiés. Pour ma part, depuis Aubervilliers, j’ai ma réponse.

Ce travail de longue haleine sera dur, ingrat, parsemé de moments difficiles. C’est ce chemin semé d’embûches qui seul nous mènera aux responsabilités. Redonner confiance aux abstentionnistes et  aux nombreux électeurs qui votent blanc et redonner confiance aux sociaux-démocrates  égarés chez Macron et chez Mélenchon ça se mérite.

La social-démocratie française est la seule route pour sauver la République universaliste et c’est notre responsabilité.

Le chantier est immense mais exaltant !      

Philippe Dorthe

Président national

LA VOIX SOCIALISTE