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RÉFÉRENDUM… BOULE DE GOMME – VOTATION PIÈGE À …

Le référendum, théorisé comme l’outil le plus démocratique de la République est souvent plébiscité par les organisations de gauche et de droite les plus extrêmes. Déjà cette réalité n’est pas rassurante quant à la valeur démocratique de cet outil.

Répondre par oui ou par non à une question souvent complexe ouvre bien des portes à la manipulation que les extrêmes avec leurs responsables tribunitiens utilisent avec excellence. L’Histoire a démontré qu’une fois au pouvoir, les extrêmes oublient très vite leur inclination pour ce type de démocratie directe.

Cette forme de manichéisme fait muter le oui et le non en bien ou en mal, suivant sa position, transforme vite le débat en passion qui convertit le fond au profit de l’émotionnel.

Si je ne jette pas aux orties le principe du référendum, il me paraît être une mesure à utiliser avec parcimonie et pour des sujets majeurs, (changement de constitution par exemple).

La voix du peuple est-elle vraiment la voie de la raison ? C’est ce que défendent les extrêmes qui  par démagogie manipulatoire nous font croire que chacun d’entre nous est capable de comprendre les tenants et les aboutissants d’un sujet complexe où même les experts se perdent.

En fait, c’est comme nous faire croire à notre aptitude de choisir entre deux diagnostics médicaux celui qui est le bon.

En France, souvenons-nous du référendum sur la constitution européenne dont les textes étaient si compliqués que des juristes chevronnés se sont arrachés les cheveux pour arriver à une analyse souvent opposée.

Au final, après des débats contradictoires infinis, les électrices et les électeurs ont voté surtout contre celui qui a posé la question et contre l’Europe ce qui n’était pas la question initiale. Mais la République est ainsi faite, la convocation du Congrès a annulé le vote populaire.

Il y a moins longtemps, en Angleterre le référendum sur le Brexit s’est également retourné contre son initiateur qui pensait que le non l’emporterait haut la main.

C’était sans compter sur une grande majorité de sujets de sa Majesté qui souhaitaient rester dans l’Europe, mais qui en votant pour le retrait voulaient donner un coup de semonce au gouvernement… mais le coup fut si dur que le retrait passa en laissant la majorité du peuple KO debout. On ne joue pas avec un référendum ! Nous en connaissons tous le résultat.

 Aujourd’hui, je n’ose imaginer à l’heure des réseaux sociaux ce que donnerait un référendum  sur l’avortement, sur la contraception et sur la peine de mort. Un référendum sur la peine de mort, qui réveillerait les instincts archaïques les plus sombres, les plus pervers et les plus sadiques du cerveau reptilien sociétal.

Dans ce débat, il me semblerait plus intéressant d’explorer la mise en œuvre de référendum d’intérêt local.

La démocratie républicaine doit  passer encore plus par ses corps intermédiaires, comme les syndicats et les grandes associations, qui pendant ces dernières années ont été écartés et malmenés.

Mais il existe dans notre pays la voix de ces corps intermédiaires, une voix de la raison, de l’analyse, du compromis, de l’amendement… Mais cette voix est si faible que les citoyennes et les citoyens ne l’entendent pas et en ignorent même l’existence.

De plus cette voix fut encore affaiblie par le Président de la République qui l’amputa de plusieurs têtes. Je veux parler du « Conseil Economique Social et Environnemental » (CESE) et de ses déclinaisons régionales les « Conseils Economiques Sociaux et environnementaux Régionaux »   (CESER).

Composés de plusieurs collèges représentant la société civile, ces institutions particulièrement démocratiques et non partisanes donnent au national un avis sur les questions posées par le gouvernement et dans les régions sur les délibérations proposées par les Conseils Régionaux.

Elles peuvent auditionner des Ministres, des personnalités de tous les horizons, des élus,  des représentants des corps intermédiaires, des associations…

Elles peuvent s’autosaisir de sujets qui leur semblent importants et faire des propositions concrètes.

Au lieu d’avoir  renforcé le CESE et les CESER,  le Président de la République créé en 2022 encore une nouvelle institution le « Conseil National de la Refondation », un « Machin » comme aurait dit le Général De Gaulle, redondant qui coûte cher et sans plus-value.

En demandant  régulièrement et publiquement au CESE et aux CESER et pendant tout le quinquennat d’analyser de grands sujets, de faire des rapports et propositions publiques relayées par une communication attirante dans les foyers français, les citoyennes et les citoyens seraient informés par des gens audibles sur une vision populaire des grands desseins de la société.

Cette méthode permettrait ainsi à un Président de la République indécis de prendre la bonne décision sans passer par un référendum, outil qui se transforme souvent en arme à double tranchant pouvant occire celui qui la manipule et faire chuter une République dans le gouffre du chaos.

Je terminerai ce propos par ces deux phrases de Dominique Rousseau, professeur de droit institutionnel : « La démocratie a besoin d’institutions intermédiaires pour fonctionner sereinement et éviter une personnalisation excessive du pouvoir. Le référendum laisse penser que ces institutions sont un obstacle à la démocratie alors qu’elles sont précisément les instruments qui font passer de la barbarie à la civilisation. »

Philippe Dorthe

08 septembre 2023

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